Depuis 2015, Solidaris publie chaque année son Baromètre Confiance et Bien-être. Pour la mutualité, il s’agit d’ausculter la société belge francophone afin de mesurer de manière globale l’état de bien-être et de confiance de la population. En 2021, ce constat n’est pas réjouissant : le niveau moyen de bien-être et de confiance mesuré chez les Belges continue de baisser et ce recul observé sur l’année écoulée est le plus marqué depuis 2015.
Comme chaque année, un millier de Belges francophones ont répondu à plus de 200 questions qui nous ont permis d’évaluer leur ressenti sur leurs conditions de vie, leur santé physique et psychique, leur rapport à la société mais aussi à leur famille.
1) Un indice bien-être qui recule particulièrement, qui n’épargne personne et touche à tous les pans de la vie des Belges
En 2021, notre indice composite passe à 51.3 soit une baisse de – 4.5 % en un an, la plus forte depuis le début des mesures en 2015. On observe que cette baisse touche finalement la plupart des profils sociodémographiques, ce qui la rend d’autant plus préoccupante.
Néanmoins, les inégalités sont toujours bien à l’œuvre: les femmes passent en dessous du seuil symbolique des 50 (48.6); les groupes sociaux les plus faibles s’établissent à 45.7. Les personnes en incapacité de travail et les chômeurs observent des baisses plus conséquentes pour tomber respectivement à 32.1 (-6.4 %) et 43.6 (-12.3 %) ce qui confirme que le confinement a pu être parfois, pour ces profils, une parenthèse bienvenue mais que celle-ci est bel et bien refermée. Enfin, les personnes seules, avec (44.2) ou sans enfant (45.1), sont aussi très fortement touchées par le recul sur un an (respectivement -11.4 % et -9.1 %).
Au niveau des sous indices (conditions de vie, qualité du relationnel, rapport à la société, estime de soi, santé et santé mentale), on notera que là aussi les résultats baissent dans toutes les catégories même si c’est l’image de soi qui accuse le plus fort recul sur un an (-8.4 %, à 44.5). Le rapport à la société reste toujours très bas à 30, en lien avec la grande défiance vis-à-vis des institutions et notamment politiques.
2) Une grande défiance vis-à-vis des institutions et des politiques et une sphère privée qui résiste de moins en moins bien
Seulement 10.5 % et 13.7 % de la population pensent que les partis et les gouvernants politiques tentent d’agir pour améliorer la qualité de vie des gens. En outre, plus de la moitié estime que l’offre politique ne répond pas à leurs attentes (toutefois en amélioration sur un an, -9 pts) et seulement 27.8 % trouvent que la démocratie fonctionne en Belgique.
Dans les classements des personnes à qui les Belges font confiance pour améliorer leur qualité de vie, le médecin généraliste garde sa 1ère place. 80.6 % de Belges nous affirment qu’il agit pour leur bien-être, juste devant la famille (77.7 %), le conjoint (73.1 %) ou les amis (72.6 %), lesquels semblent encore être affectés par l’impact de la crise sanitaire sur nos relations interpersonnelles.
Un autre chiffre est très interpellant: 37 % des gens disent avoir été confrontés à des problèmes de violence dans leur entourage proche. Ce chiffre n’a jamais été aussi haut depuis 2015.
3) Une perception du système de santé après près de deux ans de crise sanitaire plutôt bonne mais des points d’attention importants
Les Mutualités obtiennent 69.5 % de la confiance des populations et la Sécurité sociale 66.3 %. Ce résultat est stable sur un an pour cette dernière, et même en progression par rapport aux années précédentes.
Trois quarts des Belges interrogés (74.7 %) jugent notre système de santé d’excellente qualité : c’est en légère hausse sur les deux dernières années. Mais près de 2/3 des gens craignent toutefois que la qualité de ce dernier soit menacée pour des raisons de coûts et près de 7 personnes sur 10 dénoncent les temps d’attente chez les spécialistes ou pour les hôpitaux (hors urgence).
4) Les signes d’une «reprise» compliquée pour les travailleurs !
On mesure une perte de sens au travail et une certaine insatisfaction. A noter qu’au moment de l’enquête, le télétravail n’étant plus obligatoire pour les personnes qui pouvaient en faire.
La moitié des travailleurs craignent de faire un burn out un jour (+5.1pts par rapport à l’année dernière);
57.6 % des travailleurs ont le sentiment de faire un travail utile à la société, c’est le chiffre le plus bas depuis le début des mesures (-5.8 % sur un an);
Ils sont aussi moins nombreux à trouver que leurs horaires leur conviennent (61.7 % ; -5.4 pts sur un an) et 41 % jugent ne pas avoir assez de temps en dehors du travail pour faire des choses (+6.3 pts sur un an). Si encore plus de la moitié (52.8 %) dit arriver à concilier vie privée/vie professionnelle c’est toutefois en recul de 7.7 pts sur un an (et il s’agit de la moins bonne mesure sur 6 ans);
A noter que les coûts de déplacement et le temps perdu dans les embouteillages sont à nouveau très problématiques pour plus de 4 travailleurs sur 10, après des niveaux plus bas en 2020.
5) Une santé mentale inquiétante
Les projections pour l’avenir ne sont pas très réjouissantes; à peine un quart (26 %) des Belges sont optimistes face à l’évolution de la société (et plus d’un sur 2 (55.3 %) ne l’est pas) tandis que trois quarts (76.5 %) sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants. Ils n’ont par ailleurs jamais été aussi nombreux à dire que la perspective de vieillir les angoisse (48.4 %, + 8 points sur un an), ce qui n’est probablement pas sans lien avec la gestion des maisons de repos lors de la crise sanitaire.
Dès lors les chiffres sur la santé mentale des Belges ne sont pas étonnants :
3 personnes sur 10 (29.5 %) peuvent être classées en dépression modérée à sévère (échelle PHQ9). Autant déclarent ressentir de l’anxiété fréquente (32.2 %) ou de la solitude (28.8 %). La moitié de l’échantillon peut être catégorisée en stress élevé (échelle MSP10). Enfin, sur l’échelle de Cantril, plus d’un quart (26.4 %) évaluent désormais leur vie comme insatisfaisante.
«On peut encore se réjouir de la bonne perception de notre système de santé et de protection sociale, conclut Jean-Pascal Labille, Secrétaire Général de Solidaris. Après ces deux années de crise sanitaire, la confiance qu’il suscite apparaît comme le rempart face à un sentiment de mal être qui va malheureusement croissant. Défiance face au monde politique, perte de sens ou insatisfaction au travail, les signaux doivent nous alerter et nous pousser à prendre toute la mesure de l’importance à accorder à la santé mentale. Dans ce secteur aussi, l’accès aux soins pose problème et la question des inégalités sociales ne peut rester plus longtemps sans réponse».